Mélenchon le tribun

Publié le par Jacques

 

Voilà une bien étrange figure de la gauche française que ce personnage, au ton incisif et verbe suranné qu'on entend sur toutes les ondes disputer à François Hollande la voix du peuple de gauche. Les journalistes Lilian Alemagna et Stéphane Alliès livrent un portrait vivant et précis de Jean-Luc Mélenchon. A travers une enquête fouillée, des témoignages et quelques perles, leur ouvrage permet de découvrir ce républicain au laïcisme viscéral, souvent caricaturé mais peu connu.

Les auteurs ont voulu "ausculter quarante ans d'histoire de la gauche" et c'est réussi. De ses débuts en tant que journaliste militant à sa candidature à la présidentielle, ils dépeignent celui qui apparaît comme la surprise politique depuis deux ans. Au fil des pages, on aime "Méluche" - surnom donné par ses amis - ou bien il insupporte. On le cueille dès son arrivée en Normandie, fils de famille pied-noir débarquant de Tanger en 1962 et qui se sent rejeté par ces "barbares" qui parlent mal le français.

On le suit dans le Jura, puis dans l'Essonne, où il va construire son fief. L'ouvrage décrit les méthodes politiques de ce militant passé du trotskisme lambertiste au Parti socialiste. On le voit ainsi évoluer, entouré d'un petit noyau de fidèles, disciplinés et sans états d'âme pour gagner des positions. Déjà, il lance : "Je suis leur père. Ils parlent avec mes mots. La mélenchonisation des esprits est en marche !" Déjà, l'ego démesuré de celui qui croit en son destin à gauche.

On découvre aussi un trublion membre du Grand Orient de France. Il avait toujours refusé d'évoquer son appartenance à la franc-maçonnerie. Il confirme être devenu "frère" en 1983. Il utilisera ce réseau avec parcimonie, mais n'y renoncera pas. Le reste de son histoire est plus connu : la construction de la Gauche socialiste avec Julien Dray, ses changements d'alliances internes pour peser sur la ligne de la direction et son irréversible rupture à partir du référendum européen en 2005. Le livre fourmille d'anecdotes comme celle où, reçu à l'Elysée avec M. Dray en 1988, François Mitterrand les encourage à taper contre l'ouverture voulue par le premier ministre Michel Rocard : "Vous avez raison. Les centristes ce n'est pas possible", livre celui qu'il appelle "le Vieux". L'amour de Mélenchon pour Mitterrand est total jusqu'à l'aveuglement : "il s'avère incapable d'évoquer le passé trouble de Mitterrand", notent les deux journalistes.

La mue du socialiste s'est faite avec des ruptures et des figures tutélaires. Après Jaurès, Mitterrand, Jospin, c'est au tour de Chavez. Il est impressionné par les révolutions bolivarienne et surtout vénézuélienne, convaincu que cela préfigure ce qui va se passer en Europe. Et c'est peut-être la partie la plus faible du livre. On est moins séduit par l'analyse de son corpus idéologique et sur cette référence omniprésente au chavisme dans ses discours. Le parallèle qu'il fait entre les mouvements de gauche sud- américains, les états de crise démocratique des pays dans lesquels ils se construisent et la France, "cela ne fonctionne pas", comme le résume Lionel Jospin. Il a raison. Cela méritait un développement au moment où le candidat assure qu'il arrivera au pouvoir quand tout sera "balayé" par les masses.( in Le Monde).

 

Note :Jean-Luc Mélenchon plafonne actuellement à 8% des intentions de vote.

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