RETRAITES: Lu cet excellent éditorial du Monde.

Publié le par Jacques

 


Retraites : un blocage social à hauts
risques

 

Nicolas Sarkozy serait bien imprudent de faire croire que, sur la réforme des retraites, il a déjà gagné la partie. Au lendemain de la journée d’actions syndicales du 23 septembre, l’Elysée feint de croire que la protestation est en voie de “décélération”. Or, au-delà de la querelle des chiffres, la mobilisation, d’ampleur inédite en septembre, reste forte. Le président semble voir dans la fronde syndicale un rituel fatalement voué à l’échec, alors que, selon les sondages, les syndicats bénéficient d’un large soutien de l’opinion.

 

Sur le plan tant démographique, compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie qui rend inéluctable la hausse de la durée de cotisation, qu’économique, en raison des déficits du régime, la réforme des retraites était nécessaire. Encore aurait-il fallu qu’elle ne se réduise pas à une réforme comptable. En reportant de 60 à 62 ans, d’ici à 2018, l’âge légal de départ à la retraite, M. Sarkozy a obéi à un souci financier pour satisfaire les agences de notation. Il en résulte une réforme injuste qui pénalise les femmes, les carrières longues, ceux qui ont commencé à travailler tôt, et qui ne tient pas vraiment compte de la pénibilité, abusivement confondue avec l’invalidité.


La réforme de M. Sarkozy pèche aussi gravement par sa méthode, qui est l’exact opposé de celle de François Fillon, en 2003, quand il avait aligné la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle des salariés du privé. Le ministre des affaires sociales de l’époque avait pris le temps de négocier avec tous les syndicats, ce qui lui avait permis de décrocher le soutien de la CFDT. A l’Assemblée nationale, son président, Jean-Louis Debré, avait pris soin, là encore, de donner le maximum de temps au débat.


En 2010, M. Sarkozy a fait le contraire sur un sujet qu’il n’avait pas inscrit dans ses promesses de campagne. Il n’y a pas eu de débat, type Grenelle des retraites, en amont. Il n’y a pas eu de négociation mais une simple concertation, menée au pas de charge, où les syndicats étaient priés de valider les choix du président. Quant à la discussion à l’Assemblée, elle a été conduite à la va-vite, bâclée.


Un projet inéquitable et une mauvaise méthode débouchent aujourd’hui sur un blocage social à hauts risques. Vendredi 24 septembre, M. Fillon a choisi d’opposer, avec arrogance, un “non ferme et tranquille” aux revendications syndicales. Ainsi défiée, l’intersyndicale a annoncé deux nouvelles mobilisations, les 2 et 12 octobre. Les syndicats ne nourrissent pas d’illusions exagérées sur leurs chances de victoire. Ils savent qu’après le vote du Sénat, fin octobre, ils auront du mal à multiplier les journées d’actions.


Face à M. Sarkozy, les syndicats font preuve d’un grand sens des responsabilités. Ainsi, Bernard Thibault résiste-t-il aux velléités de surenchère de sa base, et se garde bien d’exiger le retrait de la réforme. Mais si M. Sarkozy reste inflexible et ne fait pas de concessions substantielles, les syndicats, sortis bredouilles de leur combat et affaiblis, ne pourront pas conjurer les risques de radicalisation. Le succès de M. Sarkozy ressemblera alors à une victoire à la Pyrrhus.

 

Article paru dans l’édition du 26.09.10

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